Des systèmes de vergers différents en Suisse

Le FiBL développe en suisse deux vergers conçus de manières différentes afin de limiter les intrants. Le premier se trouve à Frick en Argovie. Ce verger intègre un nombre important d’éléments de diversité (haies, bandes fleuries, système sandwich, nichoirs, variétés résistantes, etc) et a pour objectifs de limiter au maximum les interventions.
Un second projet dĂ©marrĂ© en 2014 sur le site d’Agrilogie Ă Marcelin (Morges) comporte deux variantes. La première variante est un verger est de type agroforesterie maraichère et la seconde variante est un verger type permaculturel. Toujours dans la mĂªme optique de limiter les intrants en intĂ©grant des Ă©lĂ©ments de biodiversitĂ©. Après cinq premières annĂ©es vouĂ©es Ă son installation, le BioDiVerger entre dans une phase plus productive et les rĂ©sultats sont encourageants, surtout dans la partie en agroforesterie. En effet, les productions maraichères et fruitières de cette partie du verger ont bien dĂ©collĂ© et ont rapidement engendrĂ© une marge positive au bilan pour le verger agroforestier. En revanche, la partie en permaculture a connu plus de dĂ©boires et ne gĂ©nère que depuis peu suffisamment de productions afin d’atteindre un bilan positif. Des enseignements ont Ă©tĂ© acquis comme l’importance d’assouvir les besoins en eau des jeunes plants, de leur Ă©viter la concurrence d’autres plantes et de rĂ©duire en amont la pression des ravageurs problĂ©matiques tels que le campagnol.
Pour en savoir plus
BioDiVerger (Rubrique Permaculture)
Les riches expériences de Stefan Sobkoviak
Rattraper vingt ans d’erreurs, gagner 5 euros par m2 avec moins de travail et plus de plaisir comme introduction de cette confĂ©rence, c’est tout un programme ! Stefan Sobkoviak est confĂ©rencier et permaculteur au sud du QuĂ©bec. Depuis 1992 il a fait Ă©voluer son verger bio vers une forme de verger permaculturel en autocueillette. Le chemin ne fut pas simple, et mĂªme semĂ© d’embuches, mais il est parti de la rĂ©flexion suivante : mĂªme en Ă©tant bio son verger conçu selon les principes d’arboriculture standard n’est pas un Ă©cosystème fonctionnel. A l’origine biologiste, Stefan Sobkoviak a une approche diffĂ©rente de la conception des cultures.
Dans son explication, il met en avant les erreurs qu’il a faites durant vingt ans et les expériences ainsi accumulées. Il mentionne les mauvais moments, comme les pépinières dévastées par les mulots durant l’hiver, et les beaux moments, comme les récoltes, le retour des oiseaux, ou un simple couché de soleil. Son constat est le suivant : la nature est bien conçue, il suffit donc de la copier. Du côté technique, son approche consiste à identifier chaque problème afin de mieux pouvoir le résoudre. Face à un problème, la perception change ! Au lieu de lutter ou de vouloir le détruire, il est primordial de comprendre son origine. On retrouve cette réflexion dans la première mesure de diversité mise en place par Stefan Sobkoviak, qui était l’installation de nichoirs pour augmenter la prédation sur les chenilles, le principal problème dans ses vergers.
Un verger en permaculture
La conception de ses vergers se base sur la permaculture. La permaculture est une façon de concevoir (design) un verger par exemple, basĂ© sur le long terme avec pour objectif de crĂ©er un système rĂ©silient et autonome qui permet de limiter les intrants et maximiser les rĂ©coltes. A la base de la diversification se trouve le trio NAP. N pour fixateur d’azote, A pour pomme (apple) et P pour poire, prune, etc. (pear, plums, etc.). Le rĂ´le du fixateur d’azote est bien entendu d’amener de l’azote mais aussi de « casser » la monoculture de rosacĂ©es que l’on trouve parmi les fruitiers. Il joue aussi le rĂ´le de rĂ©servoir Ă proies pour les auxiliaires en hĂ©bergeant par exemple d’autres espèces de pucerons. En permaculture, chaque Ă©lĂ©ment a au moins trois fonctions qui ne sont pas toutes nĂ©cessairement productrices. Un autre aspect important est l’introduction de strates ou niveaux comme on pourrait trouver dans une forĂªt. Chaque arbre est donc associĂ© Ă quatre arbustes de petits fruits divers, et seize vivaces ou couvres-sol. Tout ce système forme des « allĂ©es Ă©piceries » oĂ¹ les maturitĂ©s des fruits sont groupĂ©es par pĂ©riode de dix jours afin de faciliter la cueillette.
Les animaux retrouvent une place
Dans la dĂ©marche de reconstitution d’un Ă©cosystème fonctionnel, l’intĂ©gration des animaux est importante. Les moutons peuvent rĂ©duire la pression des maladies et des ravageurs en mangeant les fruits et les feuilles au sol. Leurs dĂ©jections permettent un apport de fumure dans les cultures. Stefan Sobkowiak mentionne aussi l’utilisation de volailles comme les poules et les dindes. Les dindes, de par leur rĂ©gime omnivore, reprĂ©sentent un prĂ©dateur potentiel de campagnols, solution qui pourrait Ăªtre testĂ©e dans les vergers oĂ¹ l’on rencontre ce problème. Ces animaux sont aussi une source de revenu non nĂ©gligeable dans le système. En effet, les volailles rapportent plus que les fruits dans ce verger!
Les limites du système
Ce qui est intĂ©ressant, c’est qu’une fois arrivĂ© aux limites de cette approche, Stefan Sobkowiak n’hĂ©site pas Ă utiliser des solutions plus interventionnistes, mais qui restent dans des limites raisonnables. Il utilise par exemple du lactosĂ©rum pour lutter contre des champignons, ou des paillages plastiques pour limiter la croissance des mauvaises herbes sous la ligne. Il est important de relever que le choix du plastique a Ă©tonnĂ© plusieurs personnes prĂ©sentes. Mais après avoir essayĂ© le paillage avec du BRF (Bois ramĂ©al fragmentĂ©) qui a Ă©tĂ© « bouffĂ© » par le sol en six mois, il s’est dĂ©cidĂ© pour cette solution. La matière première est aussi difficile Ă obtenir dans sa rĂ©gion. Certains produits, selon lui très bons, comme la Kaolinite ou le kaolin, ne peuvent tout simplement pas Ăªtre utilisĂ©s car ils sont Ă l’origine de taches sur les lĂ©gumes qui poussent en dessous. D’autres inconvĂ©nients ? Stefan Sobkoviak mentionnent en souriant : Plus de moustiques, de formats de contenants pour les membres, gestion plus complexe, et surpollinisation.
Du côté de la commercialisation
Les allĂ©es-Ă©piceries et la conception du système montrent qu’au-delĂ de la production, la rĂ©flexion englobe aussi la commercialisation. Par exemple, la diversitĂ© en fruits et lĂ©gumes provoque des achats impulsifs ! En effet, la diversitĂ© des fruits, lĂ©gumes, fleurs et herbes aromatiques incite Ă la cueillette. Afin de pouvoir venir rĂ©colter, il faut Ăªtre membre. Tous les membres paient une cotisation annuelle (55 Dollars canadiens avec 9kg de fruit inclus) en plus des achats qu’ils rĂ©alisent. Certaines annĂ©es, lors de fortes productions, les membres sont invitĂ©s Ă venir cueillir gratuitement les surplus.
Expérimentation, innovation, découverte
Ce qui est intéressant, c’est que Stefan Sobkowiak en vient à s’étonner de la présence d’un ravageur dans ces vergers, qui est passé du stade de très nuisible à celui d’élément de la diversité. Il relève aussi l’importance de l’apprentissage de l’observation et de l’innovation dans le processus de réflexion.
Stefan Sobkowiak nous a prĂ©sentĂ© un système dĂ©veloppĂ© pour lui-mĂªme et pour ses conditions de production et de commercialisation. Chaque système Ă©tant unique, et mĂªme si on peut s’inspirer des mĂ©thodes et rĂ©flexions de Stefan, chacun devra expĂ©rimenter par lui-mĂªme la permaculture pour concevoir (design) un système correspondant Ă la fois aux conditions du lieu, Ă sa propre façon de faire et Ă ses besoins.
Hélène Bougouin et David Vulliemin, FiBL